• Polémiques et controverses ou l'histoire de la Air Jordan I

    Polémiques et controverses ou l’histoire de la Air Jordan I

    Ces pompes étaient à l'époque si révolutionnaires que la NBA finit par les interdire . Chaque match disputé avec cette paire de basket sanctionna Michael Jordan d'une amende  de 5000$. Le jeune rookie de Chicago, qui a donné ses lettres de noblesses à cette chaussure, les porta contre l'avis de la ligue. Et c'est avec cette paire de shoes au pied qu'il remporta le titre de rookie of the year, qu'il participa à son premier Slam Dunk Contest et qu'il passa 63 points  aux Celtics de Larry Bird. Cette chaussure, c'est la AJ I. La toute première paire de la gamme Jordan. Elle est à l'origine d'une saga commerciale et marketing jamais vue jusqu'alors. On a l'habitude de dire « Jordan a assuré la promotion de Nike, et Nike a assuré celle de Jordan ». Mais tout cela ne serait pas vrai s'il n'y avait pas eu cette basket, pourtant tellement critiquée lors de son lancement au milieu des années 80. L'histoire de cette chaussure mythique, vous la connaissez sans doute. Mais comme la marque au Jumpman a décidé de la rééditer pour 2013, on s'est dit qu'une petite révision ne vous ferait pas de mal.

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    Depuis 1984, David Falk, président de la branche sportive de ProServ, est l'agent de Jordan. « Michael était considéré comme un joueur très brillant, mais pas comme un joueur dominant et complet. Personne n’avait vraiment conscience combien il était bon, en partie à cause du système de North Carolina et aussi parce que son épanouissement avait été tardif. C’était évident qu’il allait devenir quelqu’un que l’on pourrait vendre, mais l’idée ne nous avait pas traversé l’esprit qu’il pouvait se révéler la personnalité sportive la plus prolifique de tous les temps. »

    Outre Jordan, les clients de David Falk sont Dominique Wilkins, Pat Ewing, John Stockton, Dikembe Mutombo, Alonzo Mourning et quelques autres superstars. « C’est l’homme le plus puissant du basket-ball professionnel derrière David Stern » dit de lui Carl Scheer, qui a été dirigeant dans plusieurs clubs de la NBA.

    Aux USA, le marché de la chaussure de basket fut, jusqu'à la fin des années 60, la propriété presque exclusive de Converse et de ses mythiques Chuck Taylor All-Stars. Adidas et Puma tentèrent une percée mais ce n'est qu'à l'approche des années 80 que le marché des vêtements de sport s'avéra lucratif et donna lieu à une concurrence effrénée.

    James Worthy, équipier de Jordan à North Carolina, se vit offrir, en 1982, 1,2 million de dollars pour porter des New Balance durant 9 saisons, les Worthy Express. C'était un client de David Falk. Ce dernier se montra encore plus exigeant pour son autre poulain de UNC, Michael Jordan. Il demanda une chaussure à son nom, une ligne de vêtements, un pourcentage sur chaque article vendu et un énorme budget promotion. « A l’image de ce que nous faisions pour nos tennismen » précise Falk. Converse tiqua. Adidas aussi, car le budget prévu était jugé bien trop important et le retour sur investissement très incertain. Et c'est Nike qui fit banco.

    Lycéen, Michael Jordan jouait en Adidas et en Nike . Universitaire, il portait des Converse . Lors des sélections pour les JO de Los Angeles 88, il rechaussa les chaussures allemandes . Pour inaugurée sa première saison dans la ligue, il pensait naturellement  s'engager avec la marque aux trois bandes  – « This is the Nike contract, if you guys come anywhere close – I’ll sign with you guys (adidas) »  mais une fois n'est pas coutume, c'est Nike qui aligna les billets : 2,5 millions de dollars sur 5 ans, des royalties sur chaque produit vendu et quelques babioles, le tout en lui créant une image de superman construite sur un principe simple, « Air »,  en raison de l'habitude de MJ à prendre de l'altitude au moment d'attaquer les paniers adverses. A l'époque, la firme de l'Oregon développait une technologie de chaussures avec de l'air pour les...tennismen ! Elle reprit le concept et l'améliora pour donner naissance à la Air Jordan I. La marque au swoosh équipa au départ le jeune rookie de Chicago d'une chaussure provisoire, la Air Ship, le temps pour les désigners de la firme de l'Oregon de concevoir le pro-model de sa nouvelle recrue. La paire en question fit son apparition lors du All-Star Game de février 1985, six mois seulement après l'arrivée de Sa Majesté dans le championnat US. Un miracle, car elle ne faillit pour ainsi dire jamais voir le jour. Le numéro 23 de Chicago ne l'aimait pas. De quoi miner le moral de Peter Moore, son concepteur, qui avait passé les six derniers mois de son existence à travailler d'arrache pied sur cette paire dont il avait imaginé qu'elle permettrait à sa compagnie de distancer la concurrence. La ligne de la chaussure ne dérangeait pas le jeune Jordan (une base de Air Force I et de Nike Dunk), bien au contraire. Non, ce sont les couleurs qui l'indisposaient. « Elle me font penser au diable ». MJ ne mâcha pas ses mots pour expliquer il n'appréciait pas cette paire qu'il porterait dorénavant à chaque rencontre.

    Au terme de longues négocitaions, il se fit finalement convaincre d'en faire son pro-model et de lui prêter son nom. Mais c'est cette fois la NBA qui mit son grain de sel dans la formidable machinerie marketing imaginée par Nike. La première pub est sans prétention . Le hic, c'est que les baskets en rouge et noir vont à l'encontre des règlements de la NBA qui interdit  aux joueurs de porter des chaussures aux couleurs différentes de celles du club. Dans le cas de Chicago, le rouge et le blanc. Pas question pour Jordan de les porter en match. La NBA ne lui interdit. Les Air Jordan I bouleversent la tradition des baskets blanches ou noirs, et ça elle ne l'accepte pas. Si MJ ou Nike persiste dans cette voix, cela sera 5000$ à chaque infraction. C'est alors que la marque au swoosh a un trait de géni. Elle crée une pub tournant en dérision  cette interdiction de la ligue. Le commentaire sur les écrans américains dit : "La NBA l'a interdit, mais rien ne vous empêchera de porter les nouvelles Air Jordan". Nike décide de braver l'interdit et consacre quelques millions à la campagne de pub (et aux amendes !). Ce spot va faire un tabac. Les Air Jordan vont se vendre comme des petits pains, aux Etats Unis puis partout sur la planète. Les kids, de toutes conditions sociales, vont se ruer vers ces baskets et en faire l'une des plus belles réussites de marketing sportif. 60 000 paires de ce modèle révolutionnaire vont se vendre dans les premiers mois d’exercice. Nike tablait dans son business plan sur un chiffre d'affaires annuel de 3 millions de dollars au cours des trois premières années. Il sera de 153 millions en seulement une année ! On connait la suite. Nike, puis sa filiale Jordan Brand, confectionnèrent une saga commerciale inimaginable qui n'aurait jamais été possible sans cette paire bravant les interdits et baptisée Air Jordan I.

    Il existe d'innombrables versions de la Air Jordan I et certaines d’entre elles seront rééditées cette année. Quelques colorways inédits sont même au programme. Visiblement, la version 2013 de la AJ I ne présentera aucune différence notable dans sa conception avec le modèle original de 1984. C'est également vrai d'un point de vue confort. On est dorénavant très loin de ce qui se fait aujourd'hui en terme d'amorti et de légèreté. Ne vous attendez donc pas à les chausser sur les terrains, ce n'est tout simplement plus sa vocation. La Air Jordan I est dorénavant un accessoire de mode qui trouvera facilement son public et séduira tout autant les collectionneurs, les fins connaisseurs ou les opportunistes simplement séduits par sa ligne. Tout ça pour dire que la release 2013 de la AJ I sera sans aucun doute un immense succès. Car en portant cette chaussure, c'est un peu de la légende du plus grand joueur de tous les temps que vous aurez au pied. Et ça, ça ne se discute pas.


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